J'accepte de tout reprendre pour le lendemain
« - Monsieur Maroni, vous nous avez expliqué que c’est bien hier, en fin d’après-midi, que le secrétariat d’Artefact vous a demandé de précipiter la réunion, n’est-ce pas ?
- Oui, jeune homme.
- Donc, techniquement, le dossier complet de présentation ne pourra pas être remis ni aujourd’hui ni demain matin.
- Techniquement, je pourrai appuyer très fort sur la tête d’un imprimeur pour qu’il le passe cette nuit et nous le serve demain matin... Mais, c’est vrai, nous pourrons nous excuser facilement du fait que le document final ne soit pas prêt et leur envoyer d’ici la fin de semaine. De toute façon, ce document ira ensuite se balader sur les bureaux de la mairie, des investisseurs et des ministères... hors de question de le bâcler.
- Donc, sur quels types de document devons-nous nous préparer ? Une plaquette de présentation, quelques slides à projeter...
- Je crois vous avoir demandé de vous dé... brouiller, non ? Moi, je prends le téléphone et je couvre votre cafouillage. Cela me demandera vingt minutes de réflexion, dix minutes de conversation et la journée pour m’en remettre. J’entends déjà le secrétaire général se foutre de moi et, croyez-moi, il n’a pas l’habitude de rigoler souvent. Donc : d’accord pour ne pas remettre le dossier final mais, pour le reste, je ne veux être au courant de rien. La réunion de demain devra être un bloc de béton, aucune question ne devra vous déstabiliser et chaque collaborateur devra avoir une bonne réponse pour toutes les questions qui lui seront posées. Moi, je ne m’occuperai que du relationnel, de la distribution des fauteuils et de la température du café. C’est clair ? Tiens, en parlant de café, vous en voulez un pour démarrer ? »
Vous acquiescez de la tête. Miller se contente d’un rictus.
« - Très bien, alors allez le prendre ailleurs. En passant, vous demanderez à la secrétaire de m’en apporter un bien noir et sans sucre.
- Bien, monsieur. Je vous tiendrai au courant de notre travail en fin d’après-midi.
- Merci, Miller. Et, quels que soient les problèmes relationnels au sein de l’équipe, tout devra être remis à demain après la réunion. C’est le seul message dont vous êtes responsable aujourd’hui. »
Vous sortez tous les deux du bureau de Pierre Maroni, Miller s’arrête pour transmettre le message à la secrétaire. Vous continuez tout droit dans le couloir et vous dirigez vers les bureaux de votre équipe. A droite, ce sont les salles de conférence. Sur la gauche, il y a d’abord la porte de « F. Miller, responsable administratif » et ensuite celle de l’open space que vous partagez avec l’équipe « Service projets n°1 ». Ils sont déjà là, vous les entendez discuter à travers la porte. Vous attendez quelques instants que Miller vous rejoigne. Il a déjà son café à la main.
« - Monsieur Miller... Je vais faire le point avec l’équipe et je vous tiendrai au courant en début d’après-midi si, toutefois, vous acceptez encore de me faire confiance.
- Décidément, vous avez juré de me faire porter le chapeau sur ce dossier. Mais vous avez pris un trop gros risque. Vous voulez vraiment que monsieur Maroni fasse un choix définitif entre nous ? Sauf qu’il préfèrerait nous faire sauter tous les deux plutôt que de perdre Artefact. Vous auriez dû choisir un dossier un peu moins lourd pour ménager vos petites combines. Par contre, ma tête à moi ne repose pas sur ce seul dossier. Cela me sauvera peut-être... En tout cas, comptez sur moi pour vous ficher une paix royale aujourd’hui. Vous travaillez mieux sans moi ? Aucun problème, nous ferons les comptes demain et ce genre d’incident ne se reproduira plus. Un point avec vous en début d’après-midi me suffira largement. Bon courage. »
Vous entrez dans l’open space. Jessica, Roland, Greg et Martin s’arrêtent de parler et se tournent vers vous, l’air manifestement nerveux.
Vous leur expliquez tout de suite que la réunion va être décalée à demain matin, ce qui provoque un effet de soulagement immédiat. Greg prend la parole.
« - Tu étais dans le bureau de Maroni avec Miller ? Tu as compris ce qui s’est passé ?
- Pas vraiment. Miller m’a adressé tous les reproches que je comptais lui balancer... En gros, il m’accuse de prendre le dossier Artefact en otage pour essayer de me débarrasser de lui alors que, au total, nous allons tous y laisser des plumes.
- Pourtant, c’est lui qui a délibérément choisi de ne pas te prévenir, non ?
- Il affirme qu’il m’a appelé hier soir et que je lui ai répondu... J’ai beau avoir fait la fête, je peux vous jurer que je n’ai eu aucun moment d’inconscience ou d’égarement. Lucie en sera témoin. Bon, il faut reprendre le dossier du début. On ne distribuera pas le document final demain mais il faudra être prêt à répondre à toutes les questions possibles et imaginables. Maroni est persuadé que certains membres du comité Artefact ont juré de nous retirer le dossier pour le donner à une autre agence. Clairement, la réunion de demain est un piège à ours dans lequel il ne faudra absolument pas tomber. Ni moi ni aucun d’entre nous. Le planning est simple : ce matin, chacun reprend sa part du dossier dans son coin et met à jour ses informations. On prépare ses notes pour une intervention d’un quart d’heure et une plaquette de synthèse tenant sur une seule page claire et lisible. En début d’après-midi, je fais le point avec Miller (le plus rapidement possible) et, ensuite, on se regroupe pour se faire des entretiens-tests jusqu’à ce que tout le monde soit au point. Au final, je rassemblerai vos documents pour la plaquette finale qu’on fera photocopier ce soir au demain matin. Je m’occupe des slides et de la présentation générale. OK pour tout le monde ? »