Je pars me préparer pour le repas avec Lucie
Vous ouvrez doucement les yeux. Vous êtes allongé dans l’herbe d’un parc, la tête sur les genoux de la belle Lucie. Elle vous caresse les cheveux. Vous regardez autour de vous : quelques sacs de grands magasins, des emballages de sandwiches et des oiseaux qui picorent joyeusement les miettes.
« - Alors, tu es réveillé ?
- Je me sens encore comme dans un rêve. Quelle heure est-il ?
- Presque 17 heures. »
Vos esprits vous reviennent peu à peu. Le coup de téléphone de Greg, la réunion puis les magasins de vêtements...
« - J’ai dormi longtemps ?
- Une petite demi-heure. J’étais justement en train de t’expliquer ce qu’il valait mieux éviter de dire à table ce soir avec mon père mais cela n’avait pas l’air de te passionner.
- Excuse-moi... La nuit a été courte et je ne m’attendais pas à une journée comme celle-ci.
- D’après ce que tu m’as dit, tu as plutôt bien sauvé la situation, non ?
- Je pense que oui mais je n’ai pas tout compris... Ils doivent être en train de débriefer la réunion en ce moment.
- Ton téléphone a sonné il y a une dizaine de minutes. Cela ne t’a même pas réveillé.
- Alors, c’est que j’étais vraiment épuisé... On est au point pour les courses ?
- Oui, rassure-toi, tu as de quoi te faire beau pour ce soir. Par contre, pour les prochaines fois, pense à ne pas remettre tout le temps les mêmes affaires.
- Pour les prochaines fois ? Mais je ne sais pas encore si j’aurai envie de revoir tes parents par la suite : ils ont intérêt à me faire bonne impression ce soir. Tu leur as expliqué mes goûts, mes blagues préférées...
- Désolé mon chéri mais, ce soir, tu joues à l’extérieur. C’est à toi de t’adapter et, ensuite, tu verras que tu t’habitueras. A moins que tu estimes que je ne suis pas assez bien pour toi et que...
- Non, je pensais plutôt à t’emmener loin avec moi pour commencer une nouvelle vie.
- Ah bon ? Méfie-toi car mes parents seraient capables de nous suivre. Ils tiennent énormément à moi. Je suis le seul enfant qui leur reste.
- Je sais... J’espère que cela ne va pas tourner à l’interrogatoire de police.
- Je pense que mon père sera plus subtil que ça. Ah, tous ces hommes qui tiennent à moi...
- Tu en as de la chance... Tu leur a dis que ma mère était restée célibataire et que je n’avais jamais connu mon père ?
- Oui mais, rassure-toi, ma mère est une très bonne chrétienne – très compatissante – et mon père ne donne pas son avis sur ce genre de choses.
- Quel métier faisait-il ?
- Il travaillait dans l’équipement des forages pétroliers. Il a beaucoup voyagé en Afrique et en Asie. Il t’en parlera sûrement ce soir.
- Et ta mère ?
- Elle a travaillé un temps comme documentaliste puis elle a tenu la comptabilité de la société de mon père. Mais elle s’est surtout occupée de mon frère et de moi.
- Ton frère est mort il y a longtemps ?
- Il est mort quand il avait seize ans... C’est allé très vite. Je ne pense pas qu’ils en parleront avec toi.
- Il y a peut-être des sujets de conversation que je dois éviter, non ?
- Mon père parle beaucoup. S’il se tait, c’est qu’il vaut mieux changer de sujet.
- Et parler de quoi ? Politique étrangère, philosophie existentialiste, grands crus de Bourgogne ?
- Evite le foot et la politique. Par contre, sur les grands crus, ça me fait penser qu’il nous manque encore quelque chose. Allez debout, fainéant ! »
Les petits oiseaux s’envolent autour de vous. Vous ramassez vos paquets, vous jetez vos emballages et vous suivez Lucie hors du parc.
« - Qu’est-ce qui manque encore à mon déguisement de gendre idéal ?
- Un petit cadeau de politesse à offrir en arrivant.
- OK, je vais aller acheter un DVD... Mais non, je plaisante.
- Oui, bien sûr.
- Je peux prendre des fleurs pour ta mère ?
- Ma mère cultive elle-même ses fleurs. Non, on va plutôt passer chez le caviste.
- Du champagne ?
- Pourquoi ? Tu te maries ? Non, tu vas choisir une bonne bouteille de vin rouge pour le repas.
- Tu rigoles ? Je n’y connais absolument rien.
- Alors, laisse-moi choisir mais, cette fois, c’est toi qui paie.
- J’adore qu’on s’occupe de moi. »