Créer un site internet

J'accepte d'accompagner Karl

            « - OK, tu as gagné, je t’attends.
- Merci, quelle victoire... Je vais essayer de cacher ma joie.
- Essaie surtout de te dépêcher, pour une fois. »
Rationnelle et détendue. Vous ne cherchez pas trop à réfléchir sur les bons et mauvais côtés de votre accord avec Karl : Guibert va arriver et vous devez prévenir votre mère avant de pouvoir partir.

8h31, Guibert sonne à votre porte. 8h39, votre mère arrive chez vous. 8h44, Karl vous prévient de son arrivée. Les ouvriers déballent leur matériel, vous discutez des derniers détails avec Guibert et vous demandez à votre mère de vous appeler au moindre problème (vous vérifiez trois fois que votre téléphone est bien dans votre sac).

« - Et je suis bloquée ici jusqu’à quelle heure ?
- Je vais chercher les enfants et je rentre. Le plus tôt possible... En plus, ce n’est pas moi qui vais conduire. »
Vous préférez ne pas lui annoncer tout de suite que vous aurez besoin d’elle cette après-midi pour garder les enfants pendant votre interview (voire même le temps que vous rédigiez l’article...).
Karl klaxonne sur le parking. Vous fermez la porte et vous descendez le rejoindre.

« - Bonjour, Karl. En route !
- Et ta voiture ?
- Ben quoi, il y a plus urgent à s’occuper, non ?
- Mais tu ne peux pas la laisser comme ça. Elle p... l’essence sur tout le parking : si quelqu’un lâche un mégot, tu fais flamber toute la dalle.
- Et qu’est-ce que je fais ? Je remonte chercher une serpillère ?
- Ce sont surtout les flics qui vont débarquer. Attends une minute, j’appelle... Oui, Loris ? c’est Karl... Excuse-moi mais c’est pour une urgence. T’es dispo ce matin ?... Bon, réserve ta dépanneuse, je te rappelle dans deux minutes... Prévois aussi un stock de sciure, va falloir éponger... Merci, à tout de suite... Bon, ça va aller, laisse ta clé derrière la roue et on y va.
- Quoi ?
- Ta clé de voiture derrière la roue de ta voiture. Pour pouvoir la dépanner !
- Mais je...
- Eh bien remonte la chercher. On devrait déjà être partis, non ? »
Vous remontez prendre votre clé de voiture et vous la donnez à Karl. 8h51, vous êtes en route, Karl rappelle son garagiste pour lui donner les détails de l’opération.

« - Parfait... Tu recouvres la flaque d’essence et tu ramènes la voiture à ton garage... Ça, tu l’expliqueras directement à mon ex-femme... Oui, on peut dire ça comme ça... Merci beaucoup Lolo, tu me rends un énorme service. A plus... Voilà, Loris ramassera ta voiture et tu t’arrangeras avec lui pour les réparations.
- Il est agréé, au moins ?
- Mais oui, tu as peur de quoi ? Que ta bagnole finisse sur un marché clandestin en Ukraine ? C’est le frère de Cynthia et tu peux lui faire confiance.
- Génial, quelle référence...
- Bon... Si, pendant une heure, on évitait les sujets qui fâchent histoire d’arriver détendus devant les garçons ?
- OK.
- Ça sera la première fois qu’ils nous verront ensemble depuis... longtemps.
- Si tu le dis.
- Ils vont sûrement être déçus de repartir... On pourrait en profiter pour passer une après-midi avec eux, non ?
- Impossible. J’ai une interview calée à 15 heures.
- Et, pour une fois, il ne serait pas possible de la... décaler ?
- Non, je dois faire l’interview, la retranscrire puis rédiger et envoyer l’article d’ici ce soir.
- Ça ne serait pas la première fois que tu rendrais un papier en retard, non ?
- Certaines choses ont changé...
- Lesquelles ?
- On ne rend plus de papier, on envoie des fichiers qui sont intégrés à la maquette finale du magazine. Ça laisse plus de temps pour rédiger mais l’expression « dernier délai » n’est plus négociable. La conférence de rédaction a lieu demain matin et tout article non rendu sera automatiquement supprimé de la maquette et remplacé.
- Et qui dois-tu interviewer ?
- Un chef-cuisinier, Claude Lestang. Il propose un nouveau concept de carte qui marche assez bien... Ça t’intéresse ?
- J’essaie de m’intéresser à ce que tu fais... Tu pourrais essayer la même chose, histoire de passer le temps.
- Je sais déjà ce que tu fais.
- Ah bon ?
- Oui, tu es architecte et tu te tapes ta secrétaire. C’est suffisant, non ?
- D’accord... On va mettre de la musique. »

 

 

            Le trajet fut finalement très calme, ponctué de quelques coups de téléphone. Vous avez préféré ne pas faire de remarque sur les choix musicaux de Karl et les conversations furent très... limitées.
A un moment, il a une fois de plus essayé de vous expliquer que Cynthia n’était pas seulement sa secrétaire et qu’il ne faisait pas que se la « taper », mais bon... Votre mère eut la bonne idée d’appeler à ce moment-là pour vous demander de préciser la position de la nouvelle vasque. Finalement, vous êtes arrivés au centre de vacances peu après 9h30. Les enfants furent surpris et ravis de voir leur père.

« - Papa ! Tu sais qu’on a tous failli mourir ici ?
- Mais oui et c’est pour ça que maman m’a dit de venir. Maintenant, vous ne risquez plus rien du tout !
- Et qu’est-ce qu’on va faire aujourd’hui ?
- Je vais en discuter avec maman et je vous tiens au courant. »
Karl vous rejoint pendant que vous discutez avec le directeur du centre. Il vous remet une brochure sur les comportements à suivre face à la méningite mais il se montre très rassurant vis-à-vis de Baptiste et Julien : ils n’ont eu aucun contact avec les deux enfants malades. Par contre, les règlements sanitaires stipulent que le centre entier doit être évacué.

« - Et croyez bien que je suis le premier à le regretter. Je vous remercie pour votre compréhension et votre rapidité. Nous vous tiendrons au courant dès que possible des procédures d’indemnisation. D’autres parents arrivent, je vais vous laisser. Au revoir, madame. Au revoir, monsieur.
- Merci à vous... Alors, « madame », quelle est la suite du programme ? A être venus jusqu’ici, on ne va pas rentrer tout de suite, non ?
- Vas-y, quelle est ta meilleure idée ?
- Une petite surprise...
- Tu te moques de qui ?
- Laisse-moi faire : je vous emmène quelque part où les enfants pourront s’amuser, on déjeune et je te dépose à 15 heures à ton interview.
- Et ensuite ?
- Je ramène les enfants à mon bureau. Cynthia s’en occupera le temps que je règle deux petites choses et je te les rendrai dans la soirée. Pas de quoi appeler la police... »
Vous réfléchissez rapidement et vous vous dites que, à part l’idée de laisser vos enfants quelques minutes aux mains de Cynthia, la proposition de Karl comporte effectivement bien plus d’avantages que d’inconvénients. Allez, c’est d’accord. Tout le monde embarque dans la voiture de Karl (qui, évidemment, n’a pas pensé à placer des sièges-enfants à l’arrière...).

Vous reprenez l’autoroute pendant une petite demi-heure puis Karl s’engage sur une route secondaire à travers la campagne.
« - Karl, où tu nous emmènes ?
- Dans un lieu tout neuf qu’on ne trouve pas encore dans les magazines.
- Il doit bien y avoir une raison à ça... »
Il est un peu plus de 10h30 quand la voiture de Karl s’arrête sur le parking d’un cottage tout neuf placé au bord d’un petit lac.

« - Voilà ! Le restaurant est devant nous et la plage sur la droite. Derrière, il y a une petite écurie, un mur d’escalade et un parcours d’accrobranche. Pas mal, non ?
- Mais, Karl, il n’y a personne !
- Exact, c’est pour nous seuls. Je vais voir le patron pour qu’il s’occupe de nous. Les garçons, vous pouvez déjà sortir votre ballon pour jouer sur la pelouse, d’accord ?
- SUPER ! Merci papa ! »

Les enfants descendent en trombe de la voiture (Karl n’a pas branché la sécurité-enfants) mais vous restez très... dubitative.
« - Karl, il n’y a personne. Ça a l’air fermé.
- Disons que ce n’est pas encore ouvert mais tout est en état de marche et tout est aux normes. Tu vas voir, le patron est très sympa et, surtout, profite de ta chance parce que les séjours et les repas ici vont coûter très cher.
- Mais comment tu connais ce coin ?
- Tu n’as pas une petite idée ?
- Non !
- C’est moi qui l’ai construit. »
Que s’est-il passé ensuite ? Vers 14h (quoi, déjà ?), Karl vous réveille d’une petite sieste au bord du lac.

« Donne-moi l’adresse du resto où tu dois aller pour que je programme mon GPS. Les enfants sont en train de ranger leur baudrier. » Ah oui, l’interview... Cela ne vous ressemble pas de vous relâcher autant mais bon... la journée avait tellement mal démarré. Et puis il y a cet endroit.

« - C’est vraiment toi qui a construit tout ça ?
- Oui, les enfants m’ont déjà posé quatorze fois la question. Je ne l’ai pas vraiment construit mais j’ai tracé tous les plans, imaginé l’ensemble, etc. Ça te plaît ?
- Oui, c’est... On a du mal à croire que ça a été construit tellement ça rentre bien dans le décor naturel.
- C’est le principe du jardin à l’anglaise. Pourtant, même ce lac n’existait pas l’année dernière. Ça été un gros investissement. Je me suis battu pour qu’on me fasse confiance alors que je venais à peine d’ouvrir le cabinet.
- C’est ce cabinet qui nous a coûté cher...
- Je t’avais toujours dit que je ne resterais pas consultant toute ma vie. J’avais envie de me lancer et tu disais que tu allais me soutenir.
- Oui... mais ça été plus compliqué que prévu. Le temps nous manque tellement pour faire tout ce que l’on voudrait...
- Allez, les enfants sont prêts et ton cuistot va t’attendre. »
Vous secouez les quelques brins d’herbe qui restent accrochés à vos vêtements et vous suivez tranquillement votre chauffeur vers votre prochain rendez-vous. « Décidemment, cette journée s’avère être pleine de surprises... »

 

 

            « Merci Karl. Cette journée n’était pas facile mais, grâce à toi, elle a été très réussie. »
Cette fois, il est presque 22 heures. Combien de fois avez-vous réécrit ce message ? Au début, il était plus long puis vous avez préféré le réduire à l’essentiel.

Effectivement, cette journée était bien mal embarquée et puis... Grâce à votre mère, la salle de bain est quasiment terminée (avez-vous pensé à la remercier ?). Grâce à Karl, les enfants ont passé une super journée et vous avez pu tranquillement faire votre interview, écrire votre article et l’envoyer. Grâce à... Cynthia, votre voiture a été remorquée proprement chez un garagiste qui vous appellera demain matin. Bref, un sentiment de profond soulagement a pu progressivement vous envahir. Se faire aider...
Ah oui, le mail de remerciement... « Encore cinq minutes et il aura été plus long à écrire que la rubrique sur Claude Lestang. » Pourquoi est-ce si compliqué ?

Comme pour commencer un article, vous laissez venir les idées dans le désordre... Karl vous a aidée... Vous avez été impressionnée de découvrir ce dont il était capable... Vous êtes seule, les enfants dorment, et il doit être avec Cynthia... Vous n’aimeriez pas qu’il ait un enfant avec elle... Les garçons ont vraiment été contents de le voir... Avec la fermeture du centre de vacances, vous allez sûrement avoir encore besoin de lui dans les jours qui viennent... Votre mère vous a déjà prévenue qu’elle ne serait pas disponible demain et après-demain... Elle vous a quand même conseillé de montrer les enfants à un médecin... La voiture ne sera sûrement pas prête avant trois jours... Avec les garçons et le boulot...

Bon, quel bilan de tout ça ? Vous quittez votre bureau pour vous rendre silencieusement dans votre nouvelle salle de bain. Elle est superbe, même dans la pénombre. Elle sent encore l’enduit et le plâtre frais. Elle est exactement comme vous le souhaitiez. Vous vous asseyez sur le carrelage.

« Je savais ce que je voulais... et je l’ai obtenu. Peut-être que je ne m’intéresse pas assez à ce que veulent les autres. Peut-être que je ne savais pas ce que voulait Karl. Il voulait construire de belles choses mais je ne voulais pas être sa secrétaire... Ça a marché entre nous tant que nos projets sont restés des projets. Et puis... il n’y a pas eu assez de place pour réaliser les projets de tout le monde. Il y a d’abord eu les miens. Et puis les enfants. On était déjà à bloc et lui voulait quelque chose de plus. J’ai pris ça pour... Je ne sais pas. » Vous retournez doucement à votre ordinateur et, sans le relire une énième fois, vous envoyez le message de remerciement. Il est 22h15.

Vous pensez à la conversation que vous avez eu avec lui dans la voiture, après vous être arrêtés dans le cottage. Il vous a décrit tout le projet : l’idée de départ, le lieu, la compétition pour décrocher le projet, les nuits de travail, le soutien de... Cynthia puis les dessins, le matériel utilisé, les équipes, le chantier... Il était tellement content qu’il avait du mal à tenir le volant. Quand vous étiez jeune, c’était bien le type d’homme que vous vouliez épouser. Créatif, ambitieux... « Oui mais, pour vivre avec lui, il aurait fallu être Cynthia : entièrement dévouée, admirative... Et ça, quand même... je ne l’avais pas prévu. » Les enfants dorment, autant se dire que tout va bien et aller se coucher.

Vous regardez votre messagerie avant d’éteindre votre ordinateur. Tiens, un message de Claude Lestang. Encore un exemple d’homme créatif et ambitieux mais qui ne doit pas vraiment avoir le temps de... « Ah ? Une invitation à dîner... Mais c’est que l’interview a dû se passer encore mieux que je ne l’avais cru... Les affaires reprennent, ma vieille ! Règle n°1 : je lui répondrai demain matin. »

Et le message d’Alixia qui, comme d’habitude, a envoyé ce matin sa rubrique Horoscopie à toutes les copines juste après l’avoir rédigée, au cas où ses prédictions soient ensuite retouchées par le rédac’ chef (tous les journalistes savent que, parfois, la vérité dérange...). Ah ? Et un petit remerciement chaleureux qui vient d’arriver de la part de Karl qui espère que... « Décidément, quelle journée ! Allez, bonne nuit les mecs ! Je vais me coucher pour être en forme demain matin. »

Pour une fois - enfin presque - vous recherchez un des anciens mails d’Alixia (celui d’il y a deux semaines) pour voir de quelle manière la journée d’aujourd’hui était inscrite dans le ciel. « Une dernière petite curiosité avant d’aller dormir. » Il est presque 22h30, vous êtes épuisée mais, n’oubliez pas, vous êtes Taureau.