Je retourne chercher mon téléphone
Ne pas paniquer. Rester lucide. Prendre la bonne décision. Vous desserrez le frein à main, vous passez la première et vous vous engagez sur la bretelle de gauche. Direction centre-ville et l’appartement. « De toute façon, je serai au centre sportif dans la matinée. J’en ai, au maximum, pour un quart d’heure de détour avant d’être sur l’autoroute. Il vaut mieux rouler détendue... Détendue. »
Voilà. Rationnelle et détendue.
Vous retraversez la ville en essayant de vous concentrer sur la route. Non, les enfants ne vous attendent pas en pleurant. Vous ne serez pas la dernière mère à les ramener du camp. Il n’y aucune raison qu’ils soient malades... C’est quoi déjà la méningite ? Il existe peut-être un traitement homéopathique... Non, la journée n’est pas fichue. Les travaux vont enfin se terminer et vous pourrez faire votre interview.
Voilà. Dernier rond-point. La résidence. Ouverture du portail (toujours aussi longue). Vers les garages... Non, vous allez vous garer devant la porte de l’immeuble. C’est interdit mais pour deux minutes de... Voilà. Une petite marche arrière... il n’y avait pas des plots à cet endroit ? Choc ! L’arrière de la voiture se soulève et... redescend. « Ouh la... »
Marche avant. Bruit de tôle arrachée. « Ouh la... » Frein à main. « Mais c’est pas possible ! »
Vous descendez en tremblant du véhicule. L’arrière s’est empalé sur un des plots anti-stationnement plantés à mi-hauteur juste devant la résidence (ceux installés par le syndic après la pétition de Mme Ténard que vous aviez signée).
« Mais c’est pas possible !! »
Les roues touchent à peine le sol. Un liquide puant se répand sur la dalle jusqu’à vos chaussures... Oui, c’est de l’essence.
« Mais elle ne va jamais repartir comme ça !! » Bien vu.
« MAIS CE N’EST PAS POSSIBLE !!! » Et pourtant...
Donc, surtout ne pas paniquer. Rester lucide. Prendre la bonne décision. Quelle heure est-il ? 8h07.
« Là, je ne peux rien faire seule : je dois donc me faire aider. Par qui ? La voiture est cassée, j’ai donc besoin d’un mécanicien. » Un mécanicien ? Sur place et tout de suite ?
Mais oui ! Vous vous souvenez que vous aviez souscrit une garantie « Dépannage immédiat » auprès de votre concessionnaire. « Même en bas de chez vous en 30 minutes. » Pour le prix que ça vous coûte chaque mois (combien déjà ?)... Bon, la carte d’assistance est avec votre carte grise. « Une demi-heure ? Tout va bien. Il n’y a plus qu’à les appeler... »
Vous prenez votre téléphone. Votre téléphone... Ah oui, bien sûr ! C’est pour ça que vous êtes... Allez, vous rentrez dans l’immeuble et vous vous dirigez vers l’ascenseur. Tout va bien. Vous accumulez les contretemps mais vous restez lucide. Rationnelle. « Détendue... »
Cette situation vous rappelle un article que vous aviez écrit il y a quelques temps. Il s’intitulait justement « Se faire aider ». Vous expliquiez qu’il fallait rester modeste face aux tracas de la vie et ne pas hésiter à se faire épauler par les personnes les plus compétentes qui se trouvaient disponibles. Encore fallait-il rester lucide pour identifier autour de soi les « talents du quotidien qui rendent la vie plus simple. »
« Lucide. C’est exactement ça. » Vous ouvrez la porte. Le téléphone portable est posé sur la table. Ben voyons... Vous sortez la carte de votre sac. 8h12. Une voix féminine.
« - Contact Assurance Dépannage, bonjour !
- Bonjour, ma voiture est immobilisée en bas sur le parking et je dois immédiatement partir chercher mes enfants.
- Bien sûr, s’agit-il d’un pneu crevé ou d’un problème électrique ?
- En fait... C’est un peu plus compliqué que ça. J’ai manœuvré et ma voiture s’est plantée sur un plot et... elle est accrochée et il y a de l’essence partout par terre.
- Ah... Dans ce cas, ça ne sera pas un dépannage sur place, il nous faudra faire un remorquage jusqu’au garage.
- En combien de temps ?
- Donnez-moi votre adresse et votre numéro de client, s’il vous plaît. Je vais me renseigner tout de suite. »