Je reste discuter avec Luigi
« - Elle va m’en vouloir si... ?
- Ah, si tu veux savoir ce que pense Nikki, il n’y a qu’à elle que tu peux le demander.
- Elle est quand même bizarre, non ?
- Et toi, tu te trouves normal ? On a tous nos... petits trucs.
- C’est vrai que, toi, tu acceptes tout le monde.
- Exactement, aucun jugement sur la personne.
- Et son boulot, c’est quoi ?
- Elle est mannequin.
- Quoi ? C’est une blague ou...
- Ou tu n’y comprends rien en beauté féminine. Elle est mannequin, elle ne fait pas de défilé de haute-couture mais elle travaille pour des affiches, des pubs, des catalogues... Elle a ce qui s’appelle une « beauté accessible » : elle est belle mais on a l’impression de pouvoir la croiser un jour dans la rue. En plus, ses cheveux courts lui donnent une personnalité assez appréciée... Non, crois-moi, avec une bonne lumière et un joli sourire, le résultat est surprenant.
- Tu me montreras un exemple ?
- Oui, en ce moment, elle travaille avec une agence de communication qui s’occupe d’un nouveau projet immobilier... Artis ou Artemis...
- Artefact ?
- Oui, d’ailleurs mon père a investi un gros paquet dans ce programme. Eh bien elle devrait être sur les affiches. Enfin, normalement parce que c’est jamais simple dans ce genre d’affaire... je te raconterai.
- Comme quoi... Bon, tu ne devais pas me parler de choses sérieuses ? Ça y est, tu te maries ?
- Pire que ça, je vais te faire un enfant.
- Pas question, trop de risques de malformation. Tu te lances dans un nouveau business ?
- Oui.
- Encore sur Internet ?
- Probablement mais pas seulement. Cette fois, il y aura un vrai fond de commerce.
- Ah, ça va être du lourd. T’as de quoi investir ?
- Oui... on va pouvoir se lancer.
- Qui ça « on » ?
- Ben, toi plus moi.
- Ça devait bien arriver un jour...
- Tu m’as toujours dit que tu n’étais pas contre.
- Oui... Encore faut-il que je m’y retrouve et pas seulement financièrement.
- Un magasin de sport, c’est dans tes cordes, non ?
- Où ?
- Le Star Loisirs à la Croix-Sud.
- Le petit truc qui gère le... le court de tennis et le mini-golf ?
- C’est ça. Qu’est-ce que t’en penses ?
- Ben... je pensais que ton ambition était d’être le premier à te lancer dans un nouveau business... Là, le secteur est déjà bien pris. Saturé même.
- Pas de quoi faire vivre une petite boutique qui ferait preuve de dynamisme et de créativité ?
- Ecoute... Est-ce que tu imagines la quantité d’argent et de travail que ça demanderait pour faire seulement survivre ce genre de petite boîte ? On se lance à fond et on récupère quoi ?
- On fait nos preuves, on revend et on se casse.
- Ne me dis pas que tu envisages l’affaire de manière aussi débile... Quel âge tu as ?
- Non, bien sûr. Bon, je vais reprendre les choses depuis le début... Nous avons plusieurs atouts mais il nous manque encore un objectif... Premier atout, et de poids : mon père accepte de nous soutenir. J’ai bataillé avec lui jusqu’à ce matin –même encore tout à l’heure – et, crois-moi, ça n’a pas été simple pour qu’il me prenne au sérieux.
- Combien ?
- Cent-mille.
- Pour devenir propriétaire et relancer l’affaire, ce n’est pas suffisant.
- Non, mais c’est suffisant pour être crédible auprès des banques. Avec cette base, on peut boucler un vrai budget de départ avec des intérêts raisonnables.
- Ensuite ?
- Ensuite, j’ai largement les compétences administratives pour lancer l’affaire et, toi, tu as largement les compétences commerciales pour la faire décoller. Partout où tu passes, les gens reviennent et, en matière de sport, tu peux vendre n’importe quoi à n’importe qui.
- Ce n’est pas si simple... En plus, ça m’obligerait à abandonner tous mes contrats avec les autres enseignes. Sans oublier mes leçons de tennis, les clubs de vacances...
- Je sais et c’est pour ça que je ne te propose pas de t’enterrer pour trente ans dans une boutique... On relance l’affaire, on fait nos preuves et on s’attaque à quelque chose de plus... ambitieux.
- Quoi par exemple ?
- Un magasin plus important, une franchise d’un grand distributeur, une marque propre... ou autre chose. Il faut y réfléchir ensemble. L’important c’est, d’ici deux ans, de se montrer crédibles auprès des banques. Après, tout est possible... Tu sais, mon père a fait fortune dans la restauration : c’est un secteur hyper concurrentiel et il n’a jamais attendu d’avoir complètement remboursé une affaire pour se lancer dans une plus grande. Après, évidemment, il faut y croire mais, aujourd’hui, on a une vraie occasion de se lancer.
- Aujourd’hui ? Jusqu’à quelle heure ?
- Evidemment qu’on ne signera rien ce soir ou d’ici une semaine mais... Tu y réfléchis et, surtout, tu n’oublies pas : ce que je te propose n’est pas un aboutissement, c’est un point de départ. »