Je suis un Homme
Votre visage apparaît petit à petit de sous la serviette. La buée se dissipe... Une grimace, un clin d'œil. Un mauvais poil à retirer. Tout est là : le sourire, la carrure, les muscles (saillants sans être provocants). La belle image. Un corps comme celui-là se travaille, se mérite et s’entretient. On peut sincèrement en être fier quand on l’a obtenu puisque l'on s'est donné les moyens de ce que l'on voulait. Comme un diplôme... En réalité, chaque matin, quand vous vous regardez dans la glace, vous imaginez toujours la silhouette du petit garçon malingre et timide que vous étiez... Il est là, devant vous et vous pensez que cette image ne partira peut-être jamais.
La plupart du temps, elle vous réconforte car elle vous montre comment vous avez su prendre les choses en main. Mais, certains jours, le petit garçon semble vous poser des questions que vous avez du mal à comprendre. Alors, vous vous essayez de vous souvenir... Quand vous étiez petit, vos parents vous faisaient faire de la musique, du dessin et un peu de théâtre. Votre monde intérieur était riche de tout cela. Et puis, à l'adolescence, le monde extérieur a envahi votre monde intérieur. Un vrai massacre.
Pour la première fois, vous avez regardé autour de vous. Vous avez compris que, en fait, personne ne s'intéressait à vous et à vos talents. Pour les autres, tout était dans l'apparence et vous n’aviez pas l’air... Les garçons vous bousculaient en passant et les filles savaient à peine que vous étiez là. Le petit garçon tout maigre - qui grandissait malgré lui - se regardait tristement dans le miroir et ne savait pas comment se faire remarquer...
Alors il a fallu prendre une grande décision, la première que vous ayez vraiment prise vous-même : faire du sport. Beaucoup de sport. De la musculation, du judo mais, aussi, du tennis. Beaucoup de tennis. Avec aussi un peu de handball, du foot et, pendant les vacances, des sports de montagne. Toujours des entraînements, des compétitions, des stages : vos parents avaient été effrayés par cette frénésie d'efforts physiques mais vous ne pouvez pas nier qu'ils vous aient toujours soutenu. Comme le disait votre père, c'était « une manière comme une autre de grandir ». Devenir un homme... Votre corps s'est donc transformé. Les années collège furent difficiles mais les années lycée furent véritablement triomphales. Pourquoi ? Parce que les regards se sont tournés vers vous. Se faire remarquer...
Mais ce dont vous êtes le plus fier c'est que, en plus de devenir beau gosse, vous n'avez pas renoncé pour autant à vos talents de petit garçon. La musique, le dessin, le théâtre : il n'a pas été difficile de retrouver quelques réflexes mais, cette fois, ce n’était plus pour vous enfermer dans votre monde intérieur. Non, cette fois, ce fut pour utiliser les quelques accords faciles et les quelques gestes qui feraient de vous un artiste. Se faire applaudir, ça aussi ça se travaille... Et, le travail, ça paie. Beau, intelligent et talentueux. Admiré par les filles et envié par les mecs.
Quel jour sommes-nous aujourd’hui ? Ah oui, c’est dimanche et le jeune garçon pourrait être fier de lui...